L'aventure du Compostelle

Avec Lu Yongzhong nous avons cheminé ensemble du Puy-en-Velay à Conques en 2012 et 2013 puis en 2014 nos pas nous mènent le long de la Vallée du Célé et sur la voie de Rocamadour.

Une porte ouverte sur le chemin de Compostelle et cette envie commune d’aller plus loin.

Nous avons alors en tête un projet artistique inédit, la création d’un rouleau chinois de plusieurs mètres de long représentant ce chemin. Pour cela une évidence partagée s’impose, nous devons le parcourir à pied et repartir pour un plus long périple. Nous irons jusqu’en Espagne !

Notre enthousiasme se charge d’émotions, ce chemin devient bien plus qu’une démarche artistique…

Je ne suis pas croyante, Yongzhong est bouddhiste… alors pourquoi le chemin de Compostelle ?

L’année de notre rencontre je venais de perdre ma maman tombée malade peu de temps avant de commencer ce chemin, un projet qui lui tenait à cœur. Je me disais « un jour je le ferai pour elle ».

Avant la première venue de Lu Yongzhong au Puy-en-Velay, lors de mes recherches de documents sur cet artiste chinois j’ai trouvé un article sur le début de sa vie. Par la suite, il m’a raconté son parcours avec confiance et émotion.

«  Je suis né dans une famille de paysans d’un père bouddhiste et d’une mère catholique qui m’ont élevé avec mes deux sœurs dans un esprit ouvert aux différentes cultures et religions.

A l’âge de 4 ans j’ai une maladie qui m’empêche de bouger normalement. A 5 ans, la maladie s’aggrave et je suis hospitalisé jusqu’à l’âge de 10 ans. Les médecins veulent m’amputer d’une jambe, mes parents refusent. Pendant ces 5 années, je passe la plupart de mon temps alité et ne peut suivre de cursus scolaire. Dans les moments où mon état le permet, tout ce que je peux faire c’est regarder des livres d’images et je m’amuse à en copier les illustrations, révélant au fil du temps un certain talent pour le dessin. Ma famille m’encourage dans cette voie et leur fierté me motive à travailler. C’est mon père qui m’apprend à observer avant de dessiner.

Durant ses nombreuses années, ma mère fait souvent un chemin à pied, parcourant de longs kilomètres. Pour elle, en pensée, c’est comme un pèlerinage.

Vers l’âge de 11 ans, je suis dans ma famille, je ne peux aller à l’école, je ne marche pas. Je vois souvent un médecin chinois situé à 15 km de chez nous et ma mère me porte sur son dos pour aller en consultation. Plus tard, je suis scolarisé malgré des séjours réguliers à l’hôpital. C’est à peu près vers l’âge de 15 ans que je marche bien.

A 18 ans, je suis admis à l’Académie de peinture de Luxiang (district de Shanghai). »

De par son histoire de vie, pour Lu Yongzhong, ce chemin de Compostelle a une résonnance particulière. Il veut découvrir cette itinérance au long cours, marcher pour honorer sa mère et sa famille et créer « L’œuvre de sa vie ». Le projet artistique prend de l’ampleur, le rouleau chinois sera bien plus long que prévu.

Pour cet artiste, marcher comme un pèlerin et vivre pleinement ce chemin est une source d’inspiration extraordinaire pour réaliser son œuvre et la dimension humaine et culturelle prend tout son sens.

Notre rencontre nous a mis en chemin ensemble. En 2015 nous repartons de Nasbinals pour Roncevaux en Espagne, un périple à pied de 700 km…

C’est avec beaucoup d’émotions que nous découvrons les récits que ce chemin véhicule, la solidarité et l'hospitalité qui s'expriment au fil des étapes, les sentiments de dépassement de soi et de lâcher prise que provoque ce long cheminement.

Nous avons partagé des moments inoubliables dont une partie du chemin accompagné par un âne, Victor !

Des instants de partage et de longs kilomètres en solitaire, rencontres et paysages qui restent gravés dans nos cœurs.

«C’est dans les faits qu’on pourrait croire banals et anodins que résident le charme éternel de l’existence humaine et ses limites inéluctables ». Chi Zijian